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Après Audi Brussels, Cora rayé de la carte belgeAprès Audi Brussels, Cora rayé de la carte belge

Les sept hypermarchés Cora fermeront tous en Belgique, d’ici le début de l’année prochaine. Les quelque 1.800 salariés vont être licenciés. Le propriétaire de l’enseigne, le groupe Louis Delhaize, franchit une nouvelle étape dans son abandon de la grande distribution et de la vente de surfaces commerciales.

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© André Faber.

Le 8 avril, un conseil d’entreprise extraordinaire a annoncé la fermeture des sept hypermarchés Cora présents en Belgique. Le shut-down de Cora doit intervenir d’ici le début de l’année prochaine et condamner 1.779 emplois. Il s’agira de la septième plus grosse vague de licenciement en Belgique depuis 2010, selon le Service public fédéral (SPF) Emploi, Travail et Concertation sociale. Elle intervient quelques semaines seulement après la fermeture de l’usine d’Audi à Forest (Bruxelles), deuxième sur la liste avec 2.920 licenciements. Les galeries commerciales seront cédées à la société immobilière belge Mitiska Reim, active dans la gestion de galeries commerciales un peu partout en Europe - une opération discrète dont les détails n’ont pas filtrés.

Des mauvais résultats en cascade

Au cours des dernières années, Cora Belgique a essuyé des mauvais résultats en cascade : 24 millions d’euros de perte en 2024 et un déficit évalué à 90 millions d’euros en 2025 et 2026. Entre 2017 et 2021, la famille Bouriez (descendants de Louis Delhaize) avait même dû injecter 74 millions d’euros pour sauver les meubles.

Au Royaume, la concurrence est rude. Sur une superficie moitié plus petite que le Grand Est, la Belgique concentre 11,8 millions d’habitants et de nombreux commerces : en 2023, la Belgique comptait un supermarché pour 3.000 habitants contre un supermarché pour 2.200 habitants en France. Pour survivre dans cette arène commerciale, une enseigne doit se spécialiser ou être la moins chère, tout le temps.

« Cora organisait ses semaines italiennes dans des zones où l’immigration italienne était particulièrement forte, comme La Louvière. L’offre s’adapte à la population, c’est un bon point. Leur foire aux vins est également qualitative. Or, elle fonctionne bien à Bruxelles, mais moins bien à La Louvière, où les budgets sont moins élevés», explique Christophe Sancy, rédacteur en chef de Gondola, média belge spécialisé dans le commerce de détail.

Un marché saturé et stable

Désormais, la seule enseigne à exploiter des hypermarchés en Belgique est Carrefour. Pourtant, aucun concurrent ne se frotte les mains suite à la disparition à venir de Cora, qui ne représente pourtant que 1,6% de la part de marché belge.

« Le modèle de l’hypermarché, de la grande surface, est remis en cause. C’est un format né dans les Trente Glorieuses, lorsqu’il y avait encore l’euphorie de la consommation. Aujourd’hui, Il faut pouvoir justifier l’envie de rouler 15 ou 20 kilomètres pour aller faire ses courses. En Belgique, si vous parlez de cette distance, les gens vous regardent avec des yeux ronds. Sur ces 20 kilomètres, les Belges tombent sur des magasins avec des prix inférieurs », poursuit Christophe Sancy.

Une boucle familiale s’achève

Louis Delhaize, propriétaire de Cora, est un groupe familial fondé en 1875. A ne pas confondre avec Delhaize, une enseigne de supermarchés créée en 1870 par ses deux frères, Jules et Auguste Delhaize.

En janvier 2025, Delhaize a justement annoncé la reprise de 325 magasins Louis Delhaize. La boucle familiale s’achève. La fin de Cora constitue une nouvelle étape dans le processus de retrait de Louis Delhaize dans la distribution. Les 60 magasins Cora français ont déjà été achetés par Carrefour l’année dernière.

Louis Delhaize détenait également les marques Match/Smatch, principalement reprises par Colruyt en Belgique, ainsi que par Carrefour en France, au cours de la même opération que Cora. Au Luxembourg, deux Cora et les Match/Smatch sont passés sous l’égide de E.Leclerc en 2024. Cette même année, la reprise par Colruyt de Delitraiteur, un service spécialisé dans la vente de plats frais, vient couronner cette réaction en chaîne.

« On ne connaît pas leurs intentions. Mais ils ont quitté la grande distribution en France, en Roumanie, au Luxembourg et en Belgique. Le trait est tiré, ils ont aussi vendu l’immobilier », relève le rédacteur en chef de Gondola.

Quel avenir pour les employés ?

Quid des 1.779 employés belges de Cora? Ils perdront tous leur travail dès le début d’année prochaine. Néanmoins, le fait d’anticiper la fermeture de Cora va permettre d’appliquer la procédure dite Renault. Cette loi belge encadre le licenciement collectif et est née après la fermeture de l’usine Renault à Vilvorde en 1997, au cours de laquelle 3.097 emplois étaient passés à la trappe dans un climat social tendu. Dans le cas de Cora, Christophe Sancy détecte « une envie de faire les choses proprement. Une phase d’information et de négociation devrait se tenir afin d’écarter toute irrégularité » dans le cadre de la procédure de licenciement collectif.

« Près de 1.800 personnes vont perdre leur emploi d’ici l’année prochaine. Or, de nombreux employés ont de l’expertise et sont bien formés. Ils pourront peut-être rebondir dans certaines régions du pays où il y a un manque. Ceux qui travaillent au Cora de Messancy, à quelques kilomètres de la frontière luxembourgeoise, pourront aussi chercher à se diriger vers de meilleures rémunérations grand-ducales », espère-t-il.

En 2024, les employés luxembourgeois de Cora et Match n’ont pas connu le tragique sort du licenciement collectif. Le repreneur E.Leclerc a sauvegardé l’intégralité des 1.200 postes.

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