Avec la loi 3DS, la France prend acte du fait transfrontalier
Définitivement adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat français le 9 février dernier, la loi 3DS (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale) consacre un chapitre à la coopération transfrontalière. La Mission opérationnelle transfrontalière se réjouit de cette première… et attend un passage aux travaux pratiques.
Source de nombreuses polémiques entre un Etat jaloux de ses prérogatives et des collectivités bien décidées à élargir leurs marges de manœuvre, la loi 3DS (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale) a bien failli passer à la trappe la question transfrontalière. Son chapitre III, qui traite, dans ses articles 57 à 59bis, des nouvelles compétences des collectivités locales transfrontalières, doit son existence au lobbying revendiqué de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), du comité de coopération transfrontalière (CCT) franco-allemand mis en place par le traité d’Aix-la-Chapelle et au travail de nombreux parlementaires et associations d’élus défendant la reconnaissance du fait frontalier.
« Dans notre Etat centralisé, les frontières sont toujours à la marge du pays et des centres d’intérêt. Le projet de loi 3DS n’a intégré le volet transfrontalier qu’à la dernière minute, lors de la saisine rectificative du 12 mai 2021, mais cette cause transfrontalière a bénéficié de bon relais et la loi permet des avancées certaines », analyse Thibault Devillard, chargé de mission cohésion territoriale transfrontalière à la Mission opérationnelle transfrontalière.
L’organisme, qui s’appuie sur un réseau de 90 membres aux frontières de l’Allemagne, du Luxembourg, de la Belgique, de Suisse, d’Espagne, d’Italie, d’Andorre et de Monaco, a soumis à l’Assemblée nationale plusieurs propositions, reprises pour la plupart d’entre elles.
L’exemple franco-belge
Voici deux ans, le Covid a marqué les esprits, d’abord, par un réflexe de repli sur soi observé dans toute l’Europe, puis par une réflexion sur la nécessité de formaliser des coopérations tant dans les situations d’urgence que sur le long terme. Les coopérations sanitaires transfrontalières sont largement antérieures à la crise du Covid, notamment dans l’espace franco-belge où les premières zones organisées aux soins transfrontaliers (Zoast) remontent à près de vingt ans. La pandémie aura permis de les mettre en valeur et de les simplifier, alors même que la santé demeure en Europe une compétence propre à chaque Etat. La loi 3DS prévoit d’intégrer la coordination en temps de crise aux Agences régionales de santé et permet la constitution de Communauté professionnelles territoriales de santé (CPTS) associant des professionnels exerçant sur les territoires étrangers frontaliers.
Les coopérations franco-belges en matière d’apprentissage ont également inspiré à la loi 3DS un passage remarqué sur la l’apprentissage transfrontalier, qui sera désormais inscrit dans le code du travail. D’ici à la fin de l’année, une ordonnance en précisera les modalités d’application, qui devront faire l’objet de conventions bilatérales entre Etats.
Zones commerciales et marathons
La MOT se félicite également de la prise en compte des zones de chalandise transfrontalières dans les décisions des Commissions départementales d’aménagement commercial. « Les enquêtes publiques doivent déjà prendre en compte les territoires transfrontaliers pour l’implantation d’une autoroute, d’un parc éolien ou d’une centrale nucléaire. Le même principe doit s’appliquer pour les projets commerciaux, pour y inscrire les objectifs nationaux en matière d’utilisation des ressources, de limitation de l’artificialisation des terres, de concurrence et de complémentarité », estime Thibault Devillard.
Toujours en matière d’aménagement, les pôles métropolitains – notamment celui du Genevois français – pourront se positionner comme Autorités organisatrices de la mobilité, tandis que les collectivités étrangères pourront monter au capital de sociétés publiques locales française jusqu’à hauteur de 50 %.
Les législateurs français ont tenu compte des observations du CCT, qui souhaitait des simplifications dans l’organisation des manifestations sportives. Les marathons transfrontaliers qui obligeaient les coureurs à présenter un certificat médical sur le territoire français verront cet obstacle s’aplanir. La loi 3DS n’a certes pas pris en compte toutes les complexités de la vie aux frontières, mais la MOT y voit un encouragement aux initiatives locales. « Certaines dispositions intéressantes pour le transfrontalier existent déjà dans certaines lois européennes, mais elles restent méconnues. Nous penchons pour insuffler un esprit de coopération transfrontalière dans les pratiques, où la loi joue un rôle de marqueur, de symbole et d’impulsion », conclut Thibault Devillard.
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