Avec la choucroute, la tradition se met à toutes les sauces
La récolte du chou et sa transformation en choucroute battent leur plein en Alsace. Cru ou cuit, le mets emblématique de la région se réinvente pour coller à la fois aux changements climatique et de mode gustative.
Ah, la choucroute. Son chou, ses patates et son avalanche de charcuteries. « Got verdammi noch e mol ! » (Dieu soit damné, en alsacien), attention à ne pas parler la bouche pleine, cela vous évitera de dire des bêtises ! Ne confondez pas la choucroute garnie avec son ingrédient principal, le chou lacto-fermenté - la véritable choucroute, que l’on consomme cuite ou crue. La récolte du légume bat actuellement son plein et 2024 ne devrait pas être un mauvais millésime.
« Après plusieurs années d’aléas climatiques, nous sommes revenus cette année à une production à peu près normale, de 85 tonnes par hectare en moyenne. Face au dérèglement climatique, la technique prend de plus en plus de place dans la filière », souligne Sébastien Muller, producteur de chou et choucroutier, dirigeant de la maison Le Pic à Meistratzheim et président de l’Association de valorisation de la choucroute d’Alsace (AVCA).
Spaghetti alsacien
Pour accompagner ses membres, l’ACVA a fait appel à l’association Planète légumes, fleurs et plantes. Tout au long du processus cultural, ses experts expérimentent et développent des innovations, dans le domaine de la gestion de l’eau par exemple, écartent les variétés de chou anciennes inadaptées et sélectionnent celles qui vont les remplacer.
Pour mieux valoriser le « spaghetti de légume alsacien », selon la formule de Sébastien Muller, en 2018 l’AVCA a obtenu la création de l’Indication géographique protégée (IGP) « Choucroute d’Alsace ». Le label, en même temps qu’il reconnaît un savoir-faire traditionnel attaché à un territoire, fixe un cahier des charges rigoureux englobant toutes les étapes de la production, depuis l’analyse de la qualité des sols, en passant par la taille des choux et jusqu’à la longueur des lanières de choucroute.
La préparation lacto-fermentée originaire de Chine garnit les tables du monde germanique en abondance depuis au moins le Moyen Âge. Actuellement, les 500 à 600 hectares de chou cultivés en Alsace produisent 70 % de la choucroute française. « L’objectif de l’AVCA était de rassembler davantage de producteurs, d’augmenter les surfaces de production pour doubler les ventes d’ici à 2030, mais aussi de mieux communiquer », résume Sébastien Muller.
En salade et en tapas
Les 49 producteurs et huit choucroutiers estampillés IGP fabriquent à l’heure actuelle 5 % de la choucroute alsacienne. Depuis le début des années 2000, les effectifs de l’association ont doublé. Et dans un contexte où « la consommation de choucroute cuite est stable - 70 à 80% des ventes de l’IGP -, celle de choucroute crue progresse bien », note Sébastien Muller.
Car le produit cru a toutes les raisons de s’épanouir dans les assiettes sous nos latitudes de moins en moins éprouvées par la froide saison, assure l’Alsacien : « La choucroute coche toutes les cases. Elle est à la fois saine et hyper-diététique et on peut l’utiliser partout, en toute saison. En été, on la retrouve sous forme de salade ou en snacking, où elle garnit les sandwichs. Outre les plats typiques des winstub (brasserie traditionnelle), elle est déclinée en tapas-bistronomie comme à la brasserie Chère Amie à Strasbourg, elle accompagne les filets de bœuf à l’Hôtellerie des châteaux à Ottrott et le restaurant gastronomique Le Crocodile la décline par exemple en amuse bouche. » La choucroute bénéficie d’ailleurs d’une route gourmande dédiée, depuis les années 1980, dans la région.
Une première au Salon de l’agriculture 2025
En Allemagne voisine aussi, on consomme de la choucroute. « Mais ce n’est pas le même produit ni la même application. Elle est un peu plus sucrée et jaunâtre, et elle n’est par exemple pas consommée en choucroute garnie. Le lien culturel est aussi important avec la Belgique, où la choucroute d’Alsace est plébiscitée », souligne Sébastien Muller.
La saga du mets alsacien a même conquis la capitale française. En 2025, grâce à l’AVCA, la choucroute sera le premier légume à avoir son propre Concours général agricole au très couru Salon international de l’agriculture de Paris – une institution dans l’Hexagone.
© AVCA