Au Musée d’histoire naturelle et d’ethnographie de Colmar, un tour du monde en réduction
Au centre-ville de Colmar, deux étages d’une bâtisse ancienne accueillent une extraordinaire collection de pièces naturelles ou naturalisées et d’artefacts humains accumulés depuis le XIXe siècle.
Imaginez un cabinet de curiosités débordant sur deux étages. Il se trouve à Colmar et rassemble, pêle-mêle, un escargot poilu du crétacé, l’holotype(1) de l’oiseau de Froidefontaine, une tête réduite jivaro, des momies égyptiennes, un lion algérien naturalisé... Le Musée d’histoire naturelle et d’ethnographie, fondé au XIXe siècle, offre une plongée digne des voyages de Jules Verne dans l’extraordinaire créativité de la nature et des sociétés humaines. Mais ne nous fions pas aux apparences, au-delà de l’apparente accumulation d’objets, il y est bien question de science.
Un silence de près de 100 millions d’années
Tout récemment par exemple, son président Jean-Michel Bichain, docteur du Muséum national d’Histoire naturelle, a décrit une nouvelle espèce d’escargot, dont un individu a été conservé dans un morceau d'ambre : Archaeocyclotus brevivillosus sortait d’un silence long de 99 millions d’années ! Dans l’histoire évolutive des mollusques, les poils de cet animal auraient constitué un avantage pour coloniser les terres émergées.
L’exemple illustre la vocation scientifique de ce « musée de France » (depuis 2003) et de la Société d’histoire naturelle et d’ethnographie de Colmar, qui l’a fondé avec la Ville de Colmar en 1860. Aujourd’hui, les collections rassemblent 140.000 objets et la bibliothèque est riche de 20.000 ouvrages. La Société continue de publier son bulletin scientifique (2) et a ouvert un pôle Recherche et expertises spécialisé en malacologie (mollusques) en 2019.
L’Arche de Colmar
L’objectif initial de constituer une collection d’histoire naturelle représentative de la faune et de la flore régionale a été rapidement dépassé. Les dons de scientifiques, de représentants de la bourgeoise industrielle éclairée et de voyageurs colmariens élargissent le panorama aux cinq continents et aux artefacts humains.
Les spécimens du règne vivant (près de 115.000) constituent le gros de la collection, pour l’essentiel des insectes, mollusques et végétaux. Mais les mammifères et les oiseaux tiennent une belle place dans l’exposition permanente, grâce à l’expérience de taxidermie du musée. Dans la salle dédiée à la faune locale cohabitent un grand tétras, un loup, un cerf, des cassenoix, des petits mammifères... Des primates, un ocelot, des oiseaux et animaux marins font bon ménage avec les lions, dans une autre salle du premier étage.
Marquises et Égypte antique
La présentation géologique du musée serait la plus importante en Alsace. Parmi les fossiles remarquables exposés figurent, outre l’escargot poilu et le squelette de l’oiseau marin de Froidefontaine, un ichtyosaure (un poisson marin contemporain des dinosaures) figé au grand complet dans la roche et un crâne de rhinocéros laineux.
Les collections de sciences humaines, dont un échantillon est exposé au 2e étage, sont à la fois fascinantes et le reflet des parcours de Colmariens aux destins de globe-trotteurs ou de passionnés. En particulier, les îles Marquises sont représentées à travers une trentaine d’objets rapportés au milieu du XIXe siècle par le capitaine d’artillerie Jean-Daniel Rohr, dont un crâne-trophée recouvert d’une étoffe imprimée de tatouages. L’espace consacré à l’Antiquité égyptienne rassemble, entre autres momies, une variété humaine, des objets de vénération et des pièces de tissus coptes. Dans les vitrines américaines, une tête réduite jivaro frappe les esprits. L’exposition temporaire Paleobotanica complète ce panorama foisonnant en invitant à explorer les forêts antédiluviennes.
On sort de la visite du musée comme d’après un voyage dépaysant… pour plonger dans le décor pittoresque du quartier de la petite Venise colmarienne.
Le musée sera fermé pour travaux à partir du 23 décembre pour un rafraîchissement.
(1) Spécimen de référence qui a servi à la description d’une espèce.
(2) Pour consulter les publications scientifiques de la Société : www.museumcolmar.org
© Romain Gascon