En dix ans, le tramway a trouvé son public frontalier
Mise en service en décembre 2024 à Weil-am-Rhein en Allemagne, la première extension transfrontalière du tramway de Bâle se solde par un succès commercial, qui déclenche un prolongement supplémentaire. Côté français, le bilan de l’extension jusqu’à Saint-Louis, achevée voici 7 ans, est également positif.
Un certain faste a accompagné, en décembre dernier, la célébration du dixième anniversaire du prolongement du tramway de Bâle au-delà de la frontière allemande, à Weil-am-Rhein. L’ambiance se justifiait au regard du bilan de cette décennie de liaison transfrontalière. Celle-ci a trouvé le public qui justifie, a posteriori, l’investissement de 104 millions de francs suisses (21 % de financement allemand) qu’elle a nécessité.
En 2024, la ligne 8 du réseau bâlois a permis 3,3 millions de voyages, soit 9 000 par jour, au départ, en direction ou à l’intérieur de la portion de 2,8 km sur le territoire de Weil, ouverte en décembre 2014.
Près d’un usager sur cinq de la ligne 8
La fréquentation « allemande » représente près d’un cinquième du total de voyages de 17,7 millions de la ligne 8, indique l’exploitant du tram bâlois BVB (Basler Verkehrs-Betriebe). Les statistiques année par année soulignent une augmentation constante de cette proportion, qui s’élevait initialement à 12 % en 2015. Elle résulte d’une progression tendancielle en nombre absolu sur la portion de Weil : le palier de 2,7 à 2,9 millions jusqu’en 2019 a été franchi une première fois en 2023 (3,2 millions), après le creux des trois années Covid et post-Covid. En outre, la fréquentation globale de la ligne 8 a quelque peu diminué.
« Cette prolongation est de fait une histoire à succès, ce qui nous réjouit. Avec 3,2 millions de voyageurs, la fréquentation sur la partie allemande (en 2023, Ndlr) a été plus élevé que jamais », déclare Bruno Stehrenberger, directeur de BVB (1)
Le tram touchera le cœur de Weil
Cette histoire va se poursuivre, dans tous les sens du terme. Une nouvelle extension est en effet planifiée pour 2029. Les premières étapes se concrétisent, en particulier celle de son cofinancement par l’Etat fédéral suisse. Sur les 20,9 millions de francs suisses qu’elle requiert, Berne va attribuer une subvention de 40 %. L’aide est inscrite, depuis fin 2023, dans son document-cadre de soutien aux projets de transports publics, le programme d’agglomération dans sa version « 4ème génération ».
Le chantier de cette nouvelle portion débutera en 2026. Prolongée de quelques centaines de mètres, la voie atteindra l’hypercentre de la commune allemande frontalière de 31 000 habitants, de sorte à pénétrer dans son cœur vivant, au-delà de l’actuel terminus à la gare. La mairie de Weil y voit l’opportunité de développer une « mobilité favorable à l’environnement » et de « donner un nouveau visage » à son aménagement urbain autour de sa rue principale.
Un million de voyages sur la portion française
Il y a dix ans, la mise en service de la ligne 8 constitua la première incursion transfrontalière de la BVB. Depuis, en décembre 2017, la société d’exploitation bâloise a essaimé côté français, à Saint-Louis, par le prolongement de sa ligne 3. Celle-ci aussi achève son parcours à une gare ferroviaire frontalière, et avec un succès comparable à celui de Weil : près d’1 million de voyages annuels sont désormais enregistrés sur la portion française de 2,6 km, contre 740.000 en 2018 et 880.000 l’année suivante. Sur l’ensemble des 9,8 km de la ligne, les trajets français représentent chaque année environ 10 % du trafic, malgré une légère baisse d’1 % en 2024 aboutissant à 962 400 voyages.
« La progression de 25,7 % de 2018 à 2023 est nettement supérieure à la prévision de gain de trafic initiale qui avait été située à + 4,5 %. Le succès a dépassé nos espérances. Et l’impact sur le trafic routier est réel, celui-ci ayant baissé de 8 % dans le même temps . C’est un beau signal pour la coopération transfrontalière », commente Pascale Schmidiger, maire de Saint-Louis.
Franchir le Rhin, le prochain défi
Le coût de fonctionnement est, quant à lui, un peu inférieur aux prévisions, à 5 euros du kilomètre au lieu de 5,5 euros. La mobilité alternative à la voiture, également stimulée par le développement des pistes cyclables, n’est pas parfaite reconnaît l’élue. Pascale Schmidiger relève une « billettique pas encore adaptée aux réalités numériques d’aujourd’hui ».
En outre, les deux lignes de bus transfrontalières de Saint-Louis passant par Saint-Louis « sont en perte de vitesse »,. Se dessinent ainsi deux axes d’amélioration attendus de la prochaine délégation de service public d’exploitant du réseau de transports urbains de l’agglomération de Saint-Louis à partir de 2026.
La prolongation à Saint-Louis avait représenté un investissement de 87 millions de francs suisses. Son extension en direction de l’aéroport Bâle-Mulhouse aviat été envisagée, mais elle ne figure pas à l’ordre du jour pour l’heure. Les études se concentrant sur l’hypothèse d’une desserte de Huningue, d’un potentiel de trafic important mais d’un coût élevé. Ici, la géographie entre en jeu : contrairement aux liaisons purement terrestres à Weil et Saint-Louis, il faudra franchir le Rhin, par un nouveau pont de quelque 500 mètres dont la facture estimée grimpe à elle seule autour de 100 millions d’euros. En des temps où partout, Suisse, compris, l’argent public ne coule pas à flots.
(1) dans un entretien avec Regio Basiliensis publié le 12 décembre 2024
Le tramway de Bâle rejoint Weil depuis décembre 2024 par la ligne 8 de son réseau. © Stadt Weil-am-Rhein